Macron ou le fascisme, mensonge ou réalité?


On ordonne aux Français de voter Macron s'ils ne veulent pas que la France sombre dans le fascisme. Soit ils donnent leurs voix au candidat d’En Marche!, soit ils sont les complices de la bête immonde. Mais qu’en est-il en réalité? Regardons tout ça d’un peu plus près.

Historiquement, le fascisme, qu’il fût européen – Hitler, Mussolini, Franco, et plus tard les Colonels grecs – ou sud-américain – Pinochet et d’autres; qu’il soit arrivé au pouvoir par la voie des urnes comme dans l'Allemagne des années 30 ou par un coup d’Etat militaire comme au Chili en 1973, a toujours été soutenu par les multinationales et par l’establishment économique et financier du pays où il cherchait à s'établir.

En réalité, le mot fascisme est utilisé, à tort, pour décrire différents mouvement totalitaires d'extrême droite passés et présents. Fascisme vient de l’italien fascio – faisceau – du nom des milices mussoliniennes qui utilisaient l’emblème de la Rome antique : le fasces lictoriae. Le fascisme italien est un système nationaliste autoritaire qui n’est pas, à l’origine, d’inspiration raciste, contrairement au national-socialisme allemand dont l’antisémitisme est l’un des piliers idéologiques.

Le racisme – qui n'est pas propre à l'extrême droite –  est une idéologie née au XIXe siècle pour justifier le colonialisme européen. L’un de ses plus grands avocats fut Jules Ferry, à qui François Hollande (dont Emmanuel Macron est aujourd'hui l'héritier) a rendu un vibrant hommage le jour de son investiture en 2012. Ce même Jules Ferry qui déclarait : "Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures".

Hommage de François Hollande à Jules Ferry le 15 mais 2012

L'histoire du Front National, un éclairage important pour le second tour  

Le Front National s’inscrit dans une mouvance nationaliste, populiste et xénophobe typiquement française, différente du fascisme italien ou du nazisme allemand : le poujadisme – du nom de l’homme politique et syndicaliste Pierre Poujade, dont Jean-Marie Le Pen fut l’un des députés dans les années 50.


Le FN a été fondé en 1972 par le mouvement néofasciste Ordre Nouveau afin de pouvoir se présenter aux élections législatives de l’année suivante. Il a choisi, pour s'offrir une image respectable (sic), l’ancien sous-officier des parachutistes et ex-député poujadiste Jean-Marie Le Pen comme figure publique.

Ordre Nouveau, créé par d’anciens membres de l’organisation d’extrême droite Occident, dissoute en 1968 (dont l’un des fondateurs, Alain Madelin, est aujourd’hui un fervent soutien d’Emmanuel Macron), pensait pouvoir contrôler Le Pen et en faire son pantin. Mais c’est l’inverse qui s'est produit. Le Pen prit rapidement le contrôle du FN, organisa autour de sa personne le rassemblement d’une extrême droite française disparate et morcelée – nationalistes, pétainistes, néofascistes et anciens nazis – et en fit un mouvement essentiellement poujadiste.

Son premier programme économique fut rédigé par Gérard Longuet (ancien d’Occident, qui deviendra ministre de Nicolas Sarkozy, et qui appelle aujourd’hui à voter Macron). Le FN se positionna au "dessus des partis" (ni de droite, ni de gauche – ça vous rappelle quelqu’un?) et utilisa comme argument politique le slogan traditionnel de l’extrême droite française : Tous pourris – que les Libanais connaissent bien dans sa version locale : Kellone ya3né kellone.

Le même positionnement "ni droite ni gauche" du Front National et d'Emmanuel Macron

Malgré les efforts et les coups de gueule de Jean-Marie Le Pen, le FN est longtemps resté marginal et ultra minoritaire. Jusqu’aux élections législatives de 1986 où, grâce à l’introduction de la proportionnelle par François Mitterrand, il obtint 35 députés, devenant ainsi un acteur majeur de la vie politique.

En 1996, après les nombreuses déclarations racistes et antisémites de Jean-Marie Le Pen, l’équipe de Charlie Hebdo mena un combat presque solitaire pour le faire interdire. Mais son appel, signé par moins de 200.000 personnes, fut largement ignoré (où étaient donc tous ceux qui hurlent aujourd’hui?).

Avec la bénédiction discrète de la classe politique française, surtout celle du parti socialiste, le FN a continué de grandir, jusqu’en 2002 où, à la surprise générale surtout celle du principal concerné, Jean-Marie Le Pen est arrivé au second tour de l’élection présidentielle. Quinze ans avant que Marine ne répète l’exploit de son père et se retrouve face à Emmanuel Macron, suite à une campagne électorale visiblement orchestrée à cette fin.

Les Une de Libération après les résultats du premier tour en 2002 et en 2017

Marine Le Pen est-elle un nouvel Hitler?

Lors des présidentielles de 2012, Marine Le Pen est arrivée en troisième position, c’était il y a cinq ans. Pourquoi les antifascistes d'aujourd'hui ne sont-ils pas descendus dans la rue, pourquoi n’ont-ils pas lancé de grandes pétitions nationales ou intenté des recours en justice pour faire interdire le Front National? Pourquoi a-t-on autorisé ce parti, qu’on dit être une peste brune, à continuer d’exister et à présenter des candidats à toutes les élections possibles et imaginables?

Si Marine Le Pen est un nouvel Hitler, comme on l’entend dire un peu partout, pourquoi sa candidature à la présidence de la République a-t-elle été validée, pourquoi ses frais de campagne de 2012 ont-ils été remboursés, pourquoi les médias, qui maintenant hurlent au loup, lui ont-ils offert tout ce temps de parole avant le début officiel de la campagne, avant que la loi ne les oblige à le faire?

De plus, il est important de se demander pourquoi le fameux front républicain – et le non moins fameux barrage à l’extrême droite – n'a pas été de mise dès le premier tour de cette élection présidentielle. Pourquoi, si le danger fasciste est bien réel, les grands médias, propriétés d’hommes d’affaires qui soutiennent ouvertement Emmanuel Macron, se sont acharnés sur les deux autres candidats qui pouvaient se qualifier au second tour face à leur poulain et barrer la route à la candidate du Front National : François Fillon présenté comme l’incarnation vivante de la malhonnêteté, et Jean-Luc Mélenchon caricaturé en bolchevique totalitaire.

Et Macron dans tout ça?

Comme nous l'avons vu, Emmanuel Macron a aujourd'hui derrière lui les mêmes forces économique et financières qui ont historiquement soutenu le "fascisme" dans le monde. Parmi les personnalités qui soutiennent sa candidature, il y a d’anciens membres éminents de l’extrême droite française. Le président de la République dont il a été le conseiller puis le ministre et dont il est aujourd’hui l’héritier a placé son quinquennat sous les auspices de l’un des fondateurs de l’idéologie raciste colonialiste. Et il compte sur la énième utilisation du FN comme épouvantail de la République pour être élu chef de l’Etat.

Pire encore, son slogan "La France en Marche!" (ou "En Marche! La France") est emprunté au gouvernement collaborationiste du maréchal Pétain.

(cliquez ici pour voir la vidéo)

Vous comprenez pourquoi il m’est impossible de gober l'argument de vente macroniste : "c'est moi ou le fascisme", et si difficile de voter pour lui ou pour Marine Le Pen, alors qu'une même ombre totalitaire plane sur les deux.


© Claude El Khal, 2017