J’aime Noël


Je suis fondamentalement laïc, résolument agnostique et, pour certains, un mécréant irrécupérable. Mais j’aime Noël. J’aime ses chants, ses lumières, son sapin et ses cadeaux. Son Santa Claus, ses hohoho et ses falalala.

J’aime Noël dans toutes les langues, surtout celles que je ne parle pas. J’aime entendre ces mots étrangers mais tellement familiers, toujours prononcés avec un sourire heureux. J’aime aussi les entendre chantés, accompagnés d’une derbakké ou d’un bouzouk. Ou mieux : d’un violon tzigane.

J’aime Noël quand il est célébré par des musulmans, par des juifs ou par des bouddhistes. Quand il est célébré par des qui ne croient en rien ou qui rejettent les religions organisées, leurs dogmes, leurs hiérarchies et leurs dorures.

J’aime les yeux brillants des enfants quand ils découvrent leurs cadeaux. J’aime leur regard émerveillé quand un oncle ou un cousin, habillé en rouge et blanc, affabulé d’une grosse barbe postiche, fait son entrée en secouant une cloche achetée au one-dollar-shop du coin.

J’aime que des gens qui ne se connaissent pas mais qui probablement ne s’aiment pas, se sourient, comme ça, pour rien, parce que c’est Noël et que l’esprit de la fête le commande.

J’aime cet espoir fugace qui se pointe malgré tout, malgré les horreurs et les injustices, les peines et la misère. Une toute petite lumière, une simple bougie, mais qui par sa flamme dansante anéanti l’obscurité.

C’est vrai qu’on se ruine un peu à Noël, que le portefeuille en prend un bon coup et que le consumérisme omniprésent est écœurant. Mais, n’en déplaise aux marchands, ce n’est jamais le prix d’un cadeau qui fait sa valeur.

Je me souviens d’un petit jouet bondissant que ma grand-mère avait acheté à quelques piastres au centre-ville du Beyrouth d’avant guerre et qui avait fait le bonheur du môme que j’étais, au grand dam du reste de la famille qui avait cassé sa tirelire.

Il faut être un sacré salaud, un asséché du cœur, un atrophié des sentiments pour vouloir interdire une fête pareille. Pour nier aux autres et à soi-même ces quelques heures ou quelques instants d’innocence dans un monde si menaçant, à l’avenir si incertain et si inquiétant.

Si c’était Noël plus souvent, nos vies ne s’en porteraient que mieux. Et il y aurait peut-être un peu plus de générosité et de partage dans nos sociétés égoïstes et narcissiques.

Bon, je vous laisse, je dois encore transformer mes quelques achats en cadeaux et essayer de retrouver le rouleau de scotch qui, immanquablement, s’amuse à se cacher tous les 24 décembre.

Joyeux Noël à toutes et à tous !


© Claude El Khal, 2016