Je refuse de n’être qu’un bulletin de vote confessionnel


Quand on me parle politique, je ne veux plus entendre les mots : maronite, orthodoxe, sunnite, chiite, alaouite, druze, catholique ou protestant. Le hasard m’a fait naître grec-orthodoxe, mais cela ne me définit en rien.

Je suis le fruit de mes choix et de mes erreurs, de mes succès et de mes errements. Je suis le fruit de ma pensée, de mes convictions et de mes doutes. De mes amours et de mes amitiés. Je suis le fruit des livres que j’ai lu, des films que j’ai vu, des musiques que j’ai écouté. Je suis le fruit de mes expériences et de mes espoirs. Des rêves que j’ai déjà réalisé et de tout ce qu’il me reste à accomplir.

Je refuse d’être réduit au hasard de ma naissance. Et de n’être qu’un bulletin de vote confessionnel qu’on comptabilise au journal du soir.

Je refuse toute loi qui nie mon droit fondamental d’être qui je suis au delà de mon appartenance tribale, et de voter pour les hommes et les femmes de mon choix, sans avoir à me demander s’ils sont nés ceci ou cela. Je refuse tout parti, homme ou femme politique qui se définit par son appartenance religieuse ou confessionnelle. Je refuse tout parti, homme ou femme politique qui ne présente pas un programme clair et précis pour la construction d’une nation véritable.

Je veux qu’on me parle du Liban. De son avenir. De notre avenir. A court, moyen et long terme. Je veux qu’on me parle d’égalité, de justice. Je veux qu’on me parle de progrès, d’évolution et de développement.

Je veux qu’on me dise comment et quand va-t-on enfin sortir du système confessionnel qui nous emprisonne depuis si longtemps, tout en protégeant les droits de chaque communauté et de chaque citoyen. Qu’on me dise quand va-t-on voter des lois qui donnent enfin leurs droits aux femmes, aux plus vieux et aux plus démunis. Des lois qui combattent réellement cette honte, cette tache infamante qu’est la pauvreté dans un pays où la richesse la plus obscène s’étale de façon éhontée.

Qu’on me dise quand va-t-on voter des lois qui protègent notre histoire et notre patrimoine, notre littoral et nos forêts, nos montagnes et nos vallées, nos lacs et nos rivières, dont nous prétendons être si fiers. Des lois qui définissent la culture comme composante essentielle, voire existentielle, de notre présent et de notre avenir. Des lois pour aider le cinéma, le théâtre, la littérature, la musique, et tous les arts dans leurs expressions multiples. Des lois pour aider l’industrie, l’agriculture et l’artisanat. Et qui placent l’excellence et le mérite au centre de tout essor sociétal.

Quand va-t-on enfin avoir une loi électorale qui nous donne la possibilité de choisir nos vrais représentants, en toute liberté de conscience, sans être réduits à des statistiques sectaires. Et n’être qu’une masse obéissante qui applaudit là où on lui dit d’applaudir et qui ferme sa gueule quand les éloges aux chefs sont terminés.


© Claude El Khal, 2017