Nawal Berry persiste, signe et s’enfonce


Décidément, Nawal Berry n’en finira pas de faire parler d’elle. Faut croire qu’elle aime ça. Après son esclandre en direct, désormais célèbre, elle en remet une couche en publiant une vidéo odieuse sur sa page Facebook.

A propos de l’esclandre de la jeune reporter de MTV Lebanon, suivi de sa sortie boudeuse du champ de la caméra en plein direct, la journaliste indépendante Nadine Mazloum écrit : "les reporters n’ont pas d’ordinaire l’autorité d’interrompre une retransmission en direct si les conditions sur le terrain ne leur sont pas favorables. Cette décision revient exclusivement aux producteurs et rédacteurs en chef. Un(e) reporter ne peut prendre ce genre de décision que si sa sécurité et celle de son équipe sont en danger."

Nawal Berry a donc commis une faute professionnelle lourde, et a fait preuve d’un manque d’éthique flagrant quand elle a traité les manifestants de "voyous" parce que les slogans qu’ils scandaient lui défrisaient le brushing. Dans n’importe quel média qui se respecte, une telle faute, doublée d’une telle attitude, aurait été immanquablement sanctionnée.

Mais au Liban, pays des wassayit, des ma7soubiyét et des mad3oumine – des pistons et des pistonnés – il ne faut pas s’attendre à une quelconque déontologie professionnelle. Surtout quand la reporter en question est apparentée à Nabih Berri, inamovible président du parlement et grand timonier de la scène politique locale.

Son esclandre, désormais célèbre, a été suivi par un lynchage en bonne et due forme sur internet – lynchage que j’ai dénoncé dans un article précédent : "Ne crachez pas trop vite sur Nawal Berry".

La jolie reporter aurait dû, si elle avait un peu de jugeote, s’excuser ou au moins ne plus se la ramener, et se faire un peu oublier. Ce qui n’aurait pas été difficile, les Libanais ayant une mémoire de poisson rouge. Mais le chant des sirènes des célébrités éphémères et le désir dévorant de faire parler de soi l'ont poussée à faire l’inverse de ce que la sagesse dictait.

Comme un pied de nez infantile à ses critiques, elle a publié sur sa page Facebook une vidéo d’une rare obscénité - qu'elle n'a d'ailleurs pas tardé à retirer, sans doute après s'être rendu compte de sa bourde. On y voit les copains de la donzelle près d’un buffet bien garni chanter "le grand de la famille nous a rassasiés", en réponse aux manifestants qui scandaient "le grand de la famille nous a affamés" – le grand de la famille, kbir el 3aylé étant évidemment tonton Nabih.





Cet étalage de nourriture en réponse à une manifestation qui dénonçait la corruption au Liban et la pauvreté galopante qui en résulte est odieux au plus haut point : près d'un tiers des Libanais vit en dessous du seuil de pauvreté, un deuxième tiers peine à joindre les deux bouts, et du troisième tiers, seule une petite partie profite vraiment de ce que la presse étrangère, toujours friande de clichés à la con, appelle "la joie de vivre libanaise".

Nawal Berry et ses amis sont les privilégiés d’un système injuste et corrompu, et ils en sont fiers. Ils le chantent et l’exhibent, sans aucun scrupule, face au manque de tout dont souffrent une grande partie des Libanais. Si la jeune reporter avait, à cause du lynchage virtuel dont elle a été la cible, attiré quelques sympathies, ses dernières se sont envolées après la mise en ligne de son imbuvable vidéo.

La belle Nawal n’est plus uniquement le symbole d’une société superficielle et capricieuse, comme je l’ai précédemment écrit, mais aussi et surtout celui d’une caste arrogante, convaincue que le pays lui appartient et qu’elle peut y faire, en toute impunité, tout ce que bon lui semble.


© Claude El Khal, 2016